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Chroniques
trois créations par l'Ensemble XXI
Lazkano, Lindberg, López López, Rotaru et Sinnhuber
Mettant à profit la présence d’un grand nombre de compositeurs, ce deuxième week-end de l’édition 2007 propose une table ronde animée par Olivier Bernard, directeur de la division culturelle de la Sacem. Être compositeur aujourd’hui, qu’est-ce que cela signifie ? Le débat se divise en trois parties : la première cherche à définir le statut du créateur musical, la seconde veut cerner la spécificité française dans ce domaine, la troisième met l’accent sur les liens avec les interprètes. Successivement, les cinq compositeurs réunis autour de Guillaume Bourgogne (Cairn) et Jean-Loup Graton (L’Itinéraire) évoquent les institutions (Villa Médicis, Ircam, Conservatoires) et l’apport affectif des résidences, le revers de la médiatisation, l’angoisse financière, la décision de s’installer en France, les réseaux internationaux tissés par les artistes italiens, le risque pris par un commanditaire, les résistances culturelles à jouer l’œuvre des contemporains, etc. Après trois heures d’échanges, on constate que de plus en plus de créateurs se décident à former leur propre ensemble, afin de faire face à la précarité de leur discipline. En soirée, les mots laissent place aux notes : sous la direction de Dominique Dournaud, son cofondateur avec Daniel D’Adamo, l’Ensemble XXI présente cinq œuvres pour le moins récentes, puisque trois le sont en création.
Inspiré par des poèmes chinois de différentes dynasties, L’art de la sieste (2005) se veut une évocation de sensations sonores et atemporelles propres à l’été, avec sa chaleur accablante, ses oiseaux, sa brise légère et sa pluie vaporeuse. La quête musicale, explique José Manuel López López (né en 1956), se situe « autour de la cohabitation de textures constituées de milliers de particules avec des textures moins denses, et encore moins denses afin de créer des sensations de profondeur et de volume ». Le climat général, caressant et coloré, offre de fréquents moments de calme. L’œuvre étant dédiée à l’accordéoniste Esteban Algora, c’est son instrument qui a le privilège de l’ouvrir (souffle d’air seul) et de la clore (lent decrescendo aigu), médium entre un univers acoustique et un autre électronique – lequel nous laisse perplexe.
Nous restons dans la même thématique avec Chant du sommeil, pièce pour quatre instrumentistes qu’un poème de Lucian Blaga a inspiré à Diana Rotaru. Née à Bucarest en 1981, la jeune compositrice a étudié avec Stefan Niculescu et Dan Dediu avant de suivre des cours à Paris (Durieux, Naon, Lévinas, etc.) et à Royaumont (Harvey, Ferneyhough, Jarell, etc.), notamment. Ici, les mots du poète sont réduits à quelques chuintements du percussionniste, lequel souhaite comme respecter la discrétion du piano – Géraldine Dutroncy – et les unissons réguliers du violon avec la contrebasse – Christophe Béreau.
Après une pièce (un peu trop) apaisante, celle de Magnus Lindberg (né en 1958) agit comme un électrochoc, même si c’est sa version acoustique qui est proposée ici. Dans Ur (1986), le Finlandais organise un chaos sonore où le martèlement du piano, la stridence de la clarinette – Éric Porche – et celle des cordes finissent par crisper. S’acheminant vers une synchronisation progressive des instruments, la partition parvient à nous ouvrir les oreilles à mesure qu’elle s’achève, lorsqu’elle palpite au lieu de hurler.
Comme la deuxième œuvre au programme, Qui vive, pour trio à cordes amplifié, est une commande de Why Note et de l’Ensemble XXI. Étudiante au Conservatoire de Paris ainsi qu’à l’Ircam – où elle a moins produit que réfléchi à la nature du son –, Claire-Mélanie Sinnhuber (née en 1973) joue avec la frontière entre ressemblance et dissemblance des timbres, de l’espace et du temps. Alors que l’introduction, évoquant un bruit de lime ou d’éponge sèche frottée contre un tableau noir, semblait prolonger le climat précédent, c’est un moment singulièrement frais et évocateur que propose la lauréate 2007 du prix de composition Georges Enesco de la SACEM. Dominant une expression dense et structurée, un son à la densité légère, la créatrice et ses interprètes – Pascal Roubault (alto), Anne Mercier (violon), Christian Wolff (violoncelle) – offrent un des moments les plus appréciés de ce week-end.
De sa dernière création, Egan 3, Ramon Lazkano (né en 1968) nous dit peu et beaucoup : « succession impromptue de situations sonores qui cherchent à s’entrelacer, vision fugace des formes qu’un son idéal pourrait modeler, temps allongé de l’éphémère ». Plusieurs fois récompensé, l’ancien élève de Bancquart et Grisey livre un morceau dont l’énergie rentrée évoque un frémissement qui ne rechercherait jamais le bouillonnement. La souplesse de l’accordéon, la diversité apportée par Didier Ferrière aux percussions (tambourin, papiers frottés, marteau métallique) colorent et nuancent le climat de demi-teintes entretenu par le reste de l’ensemble. De quoi finir la journée en beauté...
LB